« Le football africain a beaucoup progressé »
Entretien avec l'entraîneur d’Algérie Chaâbane Merzekane
Par Farouk B.
(Le matin d’Alger)
L'ex-défenseur de l'EN
et actuel coach de l'USMH, Chaâbane Merzekane, a suivi avec beaucoup
d'attention la 24e édition de la Coupe d'Afrique des nations qui
vient de s'achever en Tunisie. Dans cette interview accordée à nos
confrères du quotidien, Le matin (d’Algérie), il revient sur la CAN,
le parcours de l'équipe nationale algérienne et nous parle également
de son club, l'USMH, qui aspire à accéder en division 1.

Photo : AFP |
Maintenant, la
Coupe d'Afrique des nations s'est achevée avec la consécration
de la Tunisie, quelle est votre appréciation générale sur cette
compétition ?
Chaâbane Merzekane :
Cette compétition, qui s'est déroulée dans un pays où
il fait plus frais, a permis aux nations maghrébines de
s'illustrer, en arrivant jusqu'en finale. Malgré cela, on a pu
constater que des nations comme la Guinée, le Zimbabwe ou encore
le Rwanda ont réussi à se mettre en évidence. Il y a eu
également la confirmation des équipes comme la Tunisie, le
Maroc, le Nigeria et même le Cameroun. Car je pense que son
élimination en quart de finale n'est pas du tout humiliante, du
moment que l'équipe a constamment fait le jeu dans cette phase
finale. |
Est-ce que vous partagez l'avis
des gens qui disent que cette CAN n'a pas du tout été spectaculaire
?
Pas du tout. On a assisté à de belles parties, à l'image du
Nigeria-Maroc, Cameroun-Nigeria, Algérie-Maroc et bien d'autres
rencontres. On a vu lors de la finale entre la Tunisie et le Maroc
du beau jeu, avec un bon niveau technique. Seulement, ce qu'il faut
relever c'est que les équipes africaines ont beaucoup progressé sur
le plan tactique. On a vu des formations presser leurs adversaires
90 minutes durant, empêchant ainsi l'adversaire de faire son jeu.
C'est peut-être cela qui donne l'impression que le football est
devenu plus tactique que technique. Mais comme je l'ai dit avant, on
a assisté à de très bons matches, du spectacle, des beaux buts,
comme ce fut pour le but du Marocain Mokhtari en finale ou d'Okocha
sur coup franc devant le Cameroun. Le football africain a énormément
progressé ; la meilleure preuve, c'est qu'on n'a pas vu d'équipes
faibles dans cette compétition.
Revenons à l'équipe nationale algérienne, comment
jugez-vous son parcours ?
On peut certes féliciter l'équipe pour son parcours, mais il
ne faut pas faire dans l'exagération. On nous affirme que c'est une
équipe jeune. Moi je ne suis pas d'accord. Par le passé, on avait
toujours donné la priorité aux jeunes joueurs. Avant d'arriver au
Mondial de 1982, l'équipe algérienne a été championne d'Afrique
junior. Elle est partie ensuite disputer le Mondial de 1979. L'EN a
également pris part la même année aux jeux Méditerranéens de Split,
avant de disputer l'année suivante les jeux Olympiques de Moscou.
Dans cette équipe, on pouvait compter 5 à 6 juniors. Or dans celle
qui joué la CAN, il n'y avait pas autant de jeunes. En plus de ça,
tout le monde a pu constater que les résultats, l'équipe les a
réalisés beaucoup plus avec la volonté du public qui était derrière,
plutôt qu'avec le jeu. Personnellement, l'équipe ne m'a pas du tout
convaincu par la qualité du jeu produit. Il est inconcevable de ne
pas pouvoir trouver un meneur de jeu dans toute l'Algérie. Ceci en
plus du fait de la difficulté du staff technique à gérer son groupe.
La déclaration d'Ouaddah, qui avait déclaré que Belmadi et Kraouche
faisaient l'équipe, est grave. Même concernant l'apport des pros, à
mon avis, seuls Antar Yahia et Karim Ziani ont pu tirer leur épingle
du jeu.
Comment avez-vous trouvé les prochains
adversaires des Algériens dans les éliminatoires du Mondial 2006 et
de la CAN 2006 ?
Avant la CAN, tout le monde parlait du Nigeria ; maintenant on a pu
vérifier après les matches qu'il faudra désormais compter avec des
nations comme le Zimbabwe qui nous a battus, ou encore le Rwanda,
auteur d'un bon parcours. On sait désormais que ces formations
peuvent nous causer énormément de problèmes. Ceci en plus du Nigeria
qui reste égal à lui-même et qui, à mon sens, est capable de gagner
ses matches en déplacement. Est-ce que l'Algérie peut faire autant ?
Là est toute la question.
Selon vous, comment faudra-t-il se préparer pour
les échéances du Mondial et la CAN prévues dès le mois de juin
prochain ?
A mon sens, il faut multiplier les regroupements et les
matches amicaux contre les équipes africaines et de préférence en
Afrique. C'est la seule façon d'améliorer la cohésion du groupe.
Mais avec la composante actuelle, il est quasiment impossible de
faire cela. Les professionnels ont des engagements avec leurs clubs,
il y a aussi le risque des blessures. A notre époque, on jouait le
jeudi, on se reposait le vendredi, avant de rentrer le samedi en
regroupement pour trois jours. C'est comme ça qu'on a pu bâtir une
formation solide. Il faut aussi, à mon sens, donner la chance aux
joueurs locaux. Il ne faut pas leur fermer la porte, comme j'ai
l'impression aujourd'hui.
Passons à l'USMH. Depuis votre prise en main de
l'équipe, quelle évaluation pouvez-vous faire du travail accompli
jusque-là ?
Quand j'ai pris l'équipe, il restait deux jours avant une nouvelle
journée du championnat. Le club venait de perdre son match face à
l'OMR. Nous avons énormément axé notre travail sur le côté
psychologique. On a redonné confiance au groupe. Je pense que tout
s'est bien passé puisque l'équipe a aligné depuis quatre victoires
et un nul. L'USMH compte aujourd'hui deux points d'avance sur son
premier poursuivant. J'estime que nous avons passé la période
difficile sans dommages. Maintenant, c'est au tour de l'OMR, du PAC
et de l'ABS d'avoir, à leur tour, la série des matches difficiles.
Nous assistons depuis quelque temps à une guerre
psychologique entre les clubs à propos de l'accession. Qu'en
pensez-vous ?
Vraiment, c'est étonnant ce que l'on voit de nos jours.
Dekimèche joue sous les couleurs du MO Béjaïa et défend l'OMR, c'est
vraiment à ne rien comprendre. Il parle de l'arbitrage, mais ne dit
pas combien d'occasions il a sauvé contre mon équipe. Menad a gagné
avec son équipe de l'OMR à Sidi Aïssa et il s'étonne que nous
puissions faire un nul contre le MO Béjaïa. Moi, en tout cas,
j'affirme qu'il ne fait la pression sur personne. Les gens qui
travaillent dans les coulisses sont connus. Il y a même un club qui
s'est fait une réputation dans ce sens. L'équipe qui veut accéder
doit avoir une galerie, de la volonté et le mérite. La LNF, à mon
sens, doit intervenir pour obliger les gens qui parlent de
magouilles d'apporter leurs preuves. Si vraiment on a magouillé, on
serait aujourd'hui à 10 points d'avance et pas à 2. A priori,
l'accession va se jouer entre votre club, l'USMH, l'OMR et le PAC Il
reste 10 matches à disputer, on a 2 points d'avance. On va tenter de
maintenir le cap. Et je suis sûr que lors du match PAC-OMR, le
Paradou va prendre sa revanche. Lors du match aller, l'arbitre a
faussé le match en expulsant deux joueurs. Cette fois-ci, ça ne va
plus marcher.
Vous êtes donc optimiste pour l'accession ?
On est là pour motiver les joueurs afin qu'ils puissent jouer
avec le même état d'esprit qui leur a permis de prendre la tête du
classement. Je demande seulement aux supporters de continuer à jouer
leur rôle, en venant en force soutenir son équipe dès le prochain
match face à l'IRB Sidi Aïssa. L'équipe est bien préparée
physiquement et psychologiquement. Cette fois-ci, ce n'est pas des
guerriers qui vont jouer mais plutôt des commandos afin que l'équipe
puisse effacer l'affront de l'aller. Et prouver que la défaite
n'était qu'un simple accident de parcours.